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les Bruissonnantes

« Les Bruissonnantes », voyages sonores en ruralité, à l’Archipel de Fouesnant.

 

 

 

 

Eric Thomas est un homme charmant, qui baigne dans le son par toutes les températures, c’est un artiste médiateur comme la plupart des artistes qui en même temps que la pratique de leur art ( l’art de l’écoute), savent exactement ou et comment faire partager ce qu’ils produisent et connaissent pléthore d’autres artistes qui oeuvrent dans le même domaine.

 

Certains diront qu’il est touche à tout ou polymorphe, puisque son art compile maîtrise de la technique, des arts plastiques et de la musique, mais c’est un peu réducteur, Eric Thomas n’est pas un diléttante,  il va au dela d’une pratique artistique limitante, c’est tout.

 

Sa curiosité le pousse à aller explorer des terrains inconnus sur un mode ultrasensible, en prenant comme récepteur principal : l’oreille, ce qui nous mène, nous, son public vers beaucoup d’aventures hors normes, qui font résonner notre monde intérieur avec le choc de ce qui nous est proposé à entendre.

 

Un travail qui engage autant l’artiste qui transmet, que l’auditeur qui songe.

 

 

 

Pour le centre dramatique de Fouesnant, l’Archipel, dont Eric Thomas fut artiste invité en 2023, celui ci a concocté une manifestation d’avant garde, réjouissante : « Bruissonnante », en réunissant pendant trois jours, le premier week end de février, dans l’espace du centre dramatique en entier, coulisses et vestiaires compris, des artistes qui, ont un rapport au monde qui passe par le son, et qui ont une autre façon d’envisager la musique.

 

Des percussionnistes, des chanteurs et chanteuses, des violonistes, conteurs, conteuses pléthores d’instruments anciens, et exotiques, d’autres inventés et fabriques, pièces musicales ou les frontières entres les styles rendues poreuses, se sont entrechoquées, musique locale et traditionnelle répondant à la musique contemporaine, et autres propositions inclassables, ainsi que plusieurs pièces sonores  à écouter comme on regarde, dans le noir, dans un fauteuil de salle de spectacle.

 

Il y avait la pour nous réjouir entre autres :

 

Ivan Martin  et ses instruments home made qui arpenta la scène expérimentale jazz de Lille et performe maintenant en Bretagne en duo avec la talentueuse, et farceuse, Anna Guenoc au sein du duo Ludu, qui elle même improvise avec la japonaise Emiko Ota.

 

Sylvain Lemaître percussioniste qui présente le Zarb, petit tambour Iranien dans le cadre du duo Superklang.

 

Thibeaud Jehanne avec « Le bruit des blancs éclats » composée d’images et de sons naturels enregistres autour de Fouesnant.

 

Héliophonie dans « écouter le soleil » une proposition poétique et chatoyante qui consiste à  faite l’expérience synesthésie d’écouter une étoile : différents modules analysent en direct une séquence d’images enregistrées par la sonde Solar Dynamic Observatory, et par une travail de synthèse sonore générative ,proposent d’écouter une étoile, physiquement réduite au silence absolu par le vide de l’espace.

 

Transport instantané et gratuit au fin fond du cosmos. Poésie assurée.

 

Certains de ces artistes font partie de la scène musicale bretonne et témoignent de sa vivacité, en effet, légion sont en Bretagne les petits lieux perdus dans la campagne ou au fond d’une baie comme le café de la cale à la tour du fret de Landéox ou les squats en pleine ville comme le fut pendant dix ans celui de la place Guérin à Brest.

 

Ce jour de dimanche à L’Archipel, le dernier des Bruissonnantes, fut léger, chaleureux, festif, et nutritif pour l’âme.

 

 

 

 

 

Sauf que, encore une fois, un entresoi avec torchon sale sur l’épaule et ses groles pleines de boues s’était invité, n’étaient présent que peu de monde, les artistes et leur amis représentant le gros de la troupe, quelques retraités de Fouesnant et Bénodet peut être. Quelques happy few habitues des lieux culturels.

 

Moi qui avais passé le début de ma journée à la salle de sport à regarder ma descendance pratiquer le Gouren (lutte bretonne) la différence de public m’a sauté aux yeux.

 

Aucun ouvrier, pas d’agriculteurs ou pécheurs ou ostréiculteurs, encore moins de bouchers ni de secrétaires ni d’infirmières.

 

 A ce point, cette après midi de délice concoctée avec l’argent public ressemblait à un kidnapping de culture populaire au profit de la bourgeoisie, peut être Mathilde Panot si elle avait été la, l’aurait qualifié de la sorte.

 

Nous sommes en pleine politique de revalorisation de la culture en milieu rural, on veut démocratiser la culture la faire arriver dans les endroits perdus, cités comme villages enfouis au fond des forets profondes. Il conviendrait peut être de se poser sérieusement la question  du lien entre la culture et les transports, au moment ou le prix du litre d’essence atteints les sommets inexplorés, dans des endroits ou il faut faire parfois 40 km par jours en voiture pour aller à l’usine écosser les petit pois, couper le saumon en tranche, décapiter les sardines, ou empaqueter les biscuits.

 

Il y a très peu de transports en commun en Bretagne comme dans beaucoup d’autres régions, la culture est donc réservée à ceux qui ont une voiture, qui ont les moyens de se payer l’essence et le prix du billet en plus de la note d’électricité et de supermarché..

 

Les moyens de transports et la démocratisation de la culture vont de pair, ils sont les deux facettes d’une seule et même cause. Les directeurs de lieux culturels sont obligés de prendre cette question en main, si ils veulent faire marcher correctement leur boutique.

 

 

 

Claire Denieul Le 8/02/2024