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Un joli miroir: Jeanne du Barry de Maïwenn

Un joli miroir doré

Un joli miroir doré pour l'ouverture du festival de Cannes.
Vu Jeanne du Barry, ou Maïwenn Le Besco compense la vacuité du scénario par une fresque ébouriffante, métaphore du cinéma Franco Euro Américain, régle quelques comptes avec une savoureuse Cendrillonade dans laquelle on pourrait reconnaître une esquisse de certaines des actrices pétitionnaires du texte publié par Libe, pour que surtout, surtout, personne n’oublie que Adèle Haenel a abandonné le cinéma.
Rien n'est laissé au hasard.
Ce n’est pas pour rien que l’on reconnaît à travers leurs maquillage et leurs perruques plusieurs des acteurs de Chereau en brochettes. Pas pour rien que la parente pauvre de Jeanne, sa mère, est Marianne Basler, l'égérie du cinéaste d'auteur Claude Vecchiali qui, lui a toujours ramé pour faire ses films sans un rond.
Pas pour rien encore que cette cour Versaillaise décadente a pour roi un Johnny Deep attachant et mélancolique, qui dans sa vrai vie a du trousser autant de favorites que le roi LOUIS XV, et où Amber Heard eut une place de choix, elle qui aurait pu être sa Jeanne Dubarry si leurs névroses n’avaient pas eu raison de leur passion.
Un Johnny qui meurt le visage defiguré par la verole, aussi repoussant que les raisons supposés qui le font rendre in employable par Holliwood. Mort donc. Au propre et au figuré, et qui porte sur son visage tout au long du film cette tristesse qui lui colle à la peau, inséparable du fiasco de sa vie professionnelle et sentimentale étalée au premier degré devant le monde entier.
(Je ne crois pas moi, que ce choix soit fortuit malgré les dires de Maïwenn, en tous cas si il l'est il aura orienté toute la distribution du film, et son propos, ou même la production devient metaphorique.)
Pas pour rien que l’on est roi de pere en fils ou de mère en fille ou encore de mère en fils ou de père en fille, comme on est acteur ou actrice au cinéma, ce ciné qui est devenu une dynastie.
Et bien plus qu'une dynastie, une classe sociale à part entière qui insuffle les tendances, se mèle d'humanitaire comme on faisait autrefois la charité, et et lutte pour le climat, qui pactise avec l'industrie qui elle, dicte evidemment sa loi comme elle le fait avec la presse, l'éducation, les gouvernements, le monde capitaliste.
Et coup de grâce, dans le film on va jusqu'au bout de la métaphore: cette monarchie, supprimée par le peuple en 1789, devient un avant goût de ce qui adviendra du monde du cinéma lui même auquel Maïwenn tend un joli miroir doré.
Comme Jeanne, MaÏwenn fini guillotinée dans Libé, et Télérama, accusée d’avoir couché avec tout le gratin, de s’être fait financer son film par des Emirs et son homme d’affaire de mari, d'agresser et d'employer des agresseurs, dans une absence totale de sorority. La vilaine.
Jolie mise en abîme d’un monde du cinéma finissant, qui doit se renouveller sous peine de mort, au sein d'une société en pleine mutation, ou le vedettariat devient une sorte de décadense, même si quelques uns en font encore leurs choux gras.
Bravo Maïwenn qui a le courage de se mettre au centre quand il le faut, agresser physiquement en réponse à une autre agression qui, si elle manque de chair n’en existe pas moins. Et qui aura pondu l’air de rien une jolie fresque historique aux accents métaphoriques de l’industrie du cinéma contemporain.
Film sans faux semblants, et sans détours aussi efficace que le mouvement des Me too, finalement, pour dire que depuis 3 siecles le pouvoir hypocrites des phallocrates organisés en réseau est toujours bien vivant, avec la complicité de tous et de toutes, mais que dans toute cette merde il peut y avoir parfois de veritables étoiles.
Claire Denieul 19 mai 2023