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Mamaglad et les mamans du Congo

MamaGlad et les mamans du Congo, interview.

Le CAC est une ancienne usine de sardines, juste là au bord de l’eau sur le quai Nul, autrefois on y débarquait directement les sardines et les maquereaux par la grande jetée qui forme une anse avec les quai, c’est l’entrée de la baie de Concarneau avec une vue plongeante vers le sud ouest, et trois phares qui clignotent la nuit . 

 

Les proportions du bâtiment confèrent à l’espace sorte de lourdeur désuète, celle d’un vieux palais des congrès qui aurait accueillit les plus grandes stars et les plus grands festivals et qui maintenant serait tombé dans l’oubli. Et on pourrait mettre au moins cinq semis remorques dans l’espace énorme de la salle qui abrite le loto et l’élection de la reine des flots bleus quand il n’y a pas de spectacles..

 

Heureusement les techniciens font des miracles, et la programmation de qualité

 

a reçu avec bonheur les mamans du Congo,  ou plus exactement la fondatrice des mamans,  Gladys Samba dite Mama Glad,  détentrice du matrimoine des berceuses du Bantu du Congo et trois sorcières de sa suite, dansant et chantant  en Lari ( langue du Congo), soutenue par les sons electro de Rrobin,  mélange savant de house et de rap.

 

Dans un florilège de lumières rose et orange, parmi toute la panoplie de la ménagère africaine, balais, cuvettes, assiettes en métal, cubi d’eau minérales de cinq litres, ici détournées pour servir de support de jeu et de tambour, introduite par un coup de tonnerre  et quelques jets de fumée, apparaît majestueuse, mama Glad.

 

Avec sa crinière de nattes tressée et remontée au dessus de sa tête et s’éparpillant  sur ses épaules, les maquillages dessinés sur son visage qui joignent ses sourcils et courent sur l’arête de son nez, on croirait l’apparition d’une divinité masquée, un masque géant du Congo ou  un casque Balumbu.

 

Il émane de tout son être énergie, puissance, courage, volonté.

 

Le spectacle est une ode à la féminité, en lien avec la nature, la nourriture, la fertilité et les liens de mère à enfant.

 

Une féminité ou le corps et la danse ont la part belle, comme la lumière, les couleurs et les matières.

 

Mama Glad chante et parle à la fois, sans arrêt, reprise par ses sorcières de filles,  à l’énergie virevoltante, elle raconte, l’émancipation des femmes africaines, c’est pour ca qu’elle chante, pour être l’égale de l’homme.

 

Mais aussi pour sauver de l’oubli ces vieilles chansons que les femmes fredonnent, à la maison, en berçant leurs enfants en travaillant aussi, la terre, au jardin. Ce sont des chants pleins de tendresse, d’espoir, de sororité.

 

Apres le spectacle j’allais lui poser quelques questions dans sa loge, volontairement discrète sur la situation politique de son pays, le Congo dont les richesses minières sont accaparées par des firmes étrangères, et dont la pauvreté est endémique, Mama Glad préféra se concentrer sur le droit des femmes qui est son combat : sur son continent, il y a urgence, elle nous raconte ici de sa voix presque rauque, en femme de culture, une vision savoureuse de ses luttes, un regard sur l’humanité plein de sagesse et d’universalité, et une réflexion pragmatique sur  la condition de la femme africaine et celle de l’homme pauvre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 CD : Vous êtes les mamans du Congo, et en fait vous êtes une maman et trois autres petites mamans, comment ca s’est organisé tout ca ?

 

 

 

MAMA GLAD : en fait, je dirais qu’ il y a une grande sœur, parce que moi je suis plus âgée, bien sur qu’il y a d’autres mamans du Congo, aujourd’hui on n’en voit que trois qui sont sur scène mais nous sommes nombreuses,  il y a en d’autres qui sont restées au pays la bas, c’est une groupe de la gent féminine qui milite sur les violences faites aux femmes, et nous valorisons aussi les berceuses en voie de disparition.

 

 

 

CD : Et comment avez vous eu l’idée de travailler tous ces chants avec de la musique électronique, parce que c’est ça qui fait votre originalité et votre force c’est d’arriver à faire des choses très actuelles.

 

 

 

MAMA GLAD : Nous sommes des artistes et les choristes et danseuses sont des artistes professionnelles,  nous avons décidé de créer le groupe maman du Congo par rapport aux choses qui se passent dans le pays et par rapport à la femme, parce que nous nous sommes des femmes, on a pas une grande place dans la société, on s’est dit pourquoi pas parler de la femme, donner de la valeur à cette femme là,  qui donne la vie.

 

 Et en dehors de ça aussi sur scène nous relatons le quotidien de la femme Congolaise, voilà pourquoi vous voyez le mortier et le pilon les assiettes les marmites sur scène, c’est une façon de transmettre, dans notre démarche on chante les berceuse en voie de disparition, cette richesse laissée par nos maman on ne peut pas laisser tomber tout ca, et donc on a senti l’urgence de le remettre sur scène. C’est une façon de transmettre, c’est la transmission pour ceux qui n’ont pas eu la chance d’écouter les berceuses, aujourd’hui nous la, on chante les berceuses, alors.

 

Au lieu que ca soit purement et simplement traditionnel, on s’est dit c’est aussi bien de mélanger notre tradition, avec l’électro, pour intéresser les plus jeunes aussi, on a voulu faire un projet hybride.

 

 

 

CD : On entend souvent dire que c’est dur d’être sur terre lorsqu’on est noire et femme ? Qu’est ce que vous en pensez, parce que vous avez tellement de force, je ne sens pas la femme africaine, faible du tout, je voudrais savoir, qu’est ce que vous avez à dire par rapport à ça ?

 

 

 

MAMA GLAD : C’est vrai que je suis Africaine, mais je ne veux pas seulement parler de la femme africaine, la femme africaine elle est forte. Ca n’est pas facile de porter la vie d’une personne dans le ventre pendant neuf mois, il y a les malaises, il y a tout ca, on supporte tout ca nous les femmes, que ce soit la femme africaine ou européenne, moi je trouve que c’est la même chose, la seule chose qui nous diffère c’est la peau seulement, mais quand on voit le sang, tous on a le même sang, donc ca veut dire qu’on est tous pareils, à part la différence de la peau. Donc être femme c’est pas facile parce que l’être humain lorsqu’on parle de l’homme, l’homme dans sa tête il se dit la femme est inférieure, alors que la femme n’est pas inférieure, on est tous égaux , on est tous pareils, mais par rapport aux choses qui se passent dans mon pays, avant, les femmes n’avaient pas l’opportunité, n’avaient pas la parole, elles n’avaient pas la prise de parole, elle ne pouvaient pas dire un mot, la ou il y a les hommes.

 

 

 

Mais aujourd’hui on a l’opportunité de parler, par exemple moi je suis artiste, je suis libre de dire ce que je pense sur scène, il y a des femmes qui sont dans des foyers qui souffrent, chez moi et qui ne peuvent pas dire dans, sa souffrance elle est la, elle ne parle pas.

 

Et comme nos familles africaines sont très conservatrices, du coup si une femme rentre au foyer que l’homme a déjà reçu la dot, même si elle souffre elle ne peux pas revendiquer ses droits, parce qu’avant il n’y avait pas de loi qui défendait les femmes.

 

 

 

CD : Mais justement vous ne pensez par que la tradition c’est bien de la respecter mais elle encadre trop les gens et elle les contraint?

 

 

 

 

 

MAMA GLAD : Le problème c’est quoi ? La tradition n’est pas mauvaise,  parce que j’ai même dit : quand on parle de l’émancipation de la femme ca va de pair avec sa tradition, parce que aujourd’hui si nous on rejette la tradition, je pense qu’on aura pas de fondations, on va être un peuple sans fondations. Nos fondations c’est la tradition la tradition ce sont les bases posée par nos mamans. Le seul problème qui nous dérange, c’est le fait que les hommes considèrent les femmes comme un être inférieur, la tradition n’a rien a voir, ce sont les hommes qui imposent  des choses dans le mariage.

 

Non ca ce n’est pas bon et nous avons a commencé à en parler.

 

 A Brazzaville on a monté une association de 18 chanteuses et on a enregistré une chanson qui a été reprise un peu partout et la ministre de l’éducation a crée une loi qui défends la femme. Donc nous les mamans du Congo nous sommes contente parce que déjà il y a la loi qui nous protège. Aujourd’hui la femme peut dire : « non je ne veux pas rester dans la maison de ce monsieur la parce que c’est un brigand ou par ce qu’il me maltraite je reçois des coups, des violences », la femme est libre parce que la loi est la et protège aujourd’hui la femme.

 

Vous ici en Occident, on ne peut pas taper la femme on ne peut pas faire ceci, on ne peut pas dire cela, vous êtes protégées, mais nous en Afrique il n’y avait pas de protection.

 

 On ne refuse pas notre tradition mais que la femme soi sur le même pied d’égalité que l’homme c’est ce que l’on veut.

 

 

 

CD : Quand je vous entends parler et raconter tout ca je me dis que les artistes ont beaucoup de pouvoir, c’est très important quand on est artiste d’avoir une action sur la société. Le Congo est un pays riche mais les gens sont pauvres,  les mines sont exploitées par des compagnies étrangères, qu’est ce que vous avez à dire par rapport à ca ?

 

Est ce que vous pensez qu’avec tous les artistes de votre pays vous pouvez vous réunir pour agir ?

 

 

MAMA GLAD : Chacun a son combat, la politique ne m’intéresse pas. Je suis artiste j’ai beaucoup de choses a dire en ce qui concerne la pauvreté dans mon pays, par exemple j’ai chanté Salah Salah pour donner la force aux gens qui sont démunis , la force aux gens qui ne veulent pas travailler et qui sont désespérés.

 

Parce qu’on a des cas désespérés dans notre pays .

 

Moi quand je chante Salah Salah , je leur dis il faut travailler, il faut travailler.

 

Dans notre pays, il a des choses qui se passent, il y a des accords  politiques, mais moi la  politique je ne maitrise pas, je ne regarde pas , je n’ai même pas la télé, ce que je sais c’est qu’en tant que professeur en art plastique au collège, j’ai des enfants, j’essaye de sonder, je leur demande, à la maison vous mangez quoi ? Et je vois que mon pays et riche, mais qu’il faut mobiliser les gens pour travailler.

On peut aussi travailler la terre, on a nos propres ressources, les politiciens n’ont qu’à gérer leur politique et moi en tant qu’artiste j’ai mes conseils à donner aux gens, j’ai ma richesse dans la chanson en voie de disparition, par exemple les berceuses :  les femmes ne veulent plus chanter les berceuses aux enfants, elles préfèrent chanter les chansons par exemple en anglais, et elles ne maitrisent même pas l’anglais, déjà même moi je ne parle pas anglais, mais si je chante une chanson qui fait vibrer mon sang qui est connectée à moi, facilement, je peux transmettre à mon fils et à ma fille, je parle de la transmission par ce que demain ou après demain, je vais partir et mes enfants ils auront quoi comme culture? Moi je suis dans la culture, moi c’est la culture qui m’intéresse, parce que mon pays, même si on a pillé des choses la bas au Congo,  ca ne m’intéresse pas, moi ce qui m’intéresse, c’est la culture qui va disparaître alors qu’on a tout une richesse dans la culture. 

 

 

CD: Chère maman du Congo,  (rires de maman) merci beaucoup. Je vous remercie

 

 

MAMAGLAD:C'est bien de transmettre aux journalistes, aux écrivains qu'ils écrivent, moi je ne suis pas une écrivain je ne peux pas, écrire, c'est toi qui va écrire, chacun a son rôle dans la société.

 

CD: Oui c'est vrai

 

 

MAMAGLAD, Gladys Semba.
MAMAGLAD, Gladys Semba.
Rrobin
Rrobin