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Une femme en or

Une femme en or

Avignon Juillet 2022


Kubra Khademi est Afghane et artiste plasticienne.

Artiste phare du festival d’Avignon, qui lui commanda son affiche, très controversées par les ligues puritaines, pour lesquelles le corps d’une enfant nue est en soi obscène.

Kudra a eu abondent le temps de raconter son histoire hors norme sur les plateaux télé, petite fille d’une fratrie de 9, qui refusa tout net de se marier, et parti faire ses études à Kaboul, puis à Lahore au Pakistan,et ensuite en France.

Une Afghane qui n’a jamais baissé les yeux, se baladant habillée d’un moule de femme nue sous son imperméable, dans les rues de Kaboul, ce qui lui valu son exil.

En fait Kubra s’en donne à cœur joie dans la transgression, autant à Kaboul qu’ici même, la preuve une série de portraits ou elle se met en scène avec un vieil amant, forniquant dans toutes les positions, sur fond de peinture traditionnelle afghane, in pied de nez de plus, une liberté qu’elle se donne, une façon dérisoire d’imager une situation politique entre l’occident et L’Afghanistan.

En avançant au milieu de ces portraits mêlant figurines libertines et paysages de montagnes, on débouche sur une piece de moyenne importance, d’où part un escalier, la, au centre d’un auditoire déjà en place, se trouve un monticule de vestes militaires afghanes, des parkas comme en portent les gens la bas et beaucoup d’exilés ici.

Cet amoncellement forme comme une sorte de masse, presque un tipi.

 On attends, on attends devant le monticule, et Kudra fait son apparition , pieds nus,vêtue d’une robe scintillante, munie d’une énorme aiguille et un dévidoir entier de gros fil doré.

Puis elle commence à coudre, coudre, coudre, les vestes entre elles, c’est assez long, les minutes s’égrènent comme des gouttes de pluie. Au début on se demande où elle veut en venir, tout en se disant qu’elle a de bonnes raisons d’enjamber le monticule pour y planter son aiguille comme pour lutter contre un vent imaginaire qui ferait s’envoler les parkas, elle n’y va pas de main morte, grimpe à califourchon sur le tas de veste pour y planter l’aiguille grosse comme un pieu, dévidant mètres après mètres ses aiguillées de fil doré.

Petit à petit une sensation monte, qui te dis qu’elle fait la quelque chose de très important, et qu’il suffit que bascule ton regard sur ce qu’elle fait pour le découvrir. C’est cela regarder autrement, changer de focale.

Encore quelques minutes et voilà que surgissent, autour d’elle parmi nous, les hommes en parka et bonnets, debout sur la dune, scrutant l’horizon vers le nord ouest, les ronds d’Africains du Darfour, posés la en marguerite autour d’un bidon troué dans lequel chauffe un feu d’enfer et de palettes. Toutes les pancartes bariolées, les bâches peintes,la boue, les guirlandes, la musique à fond, toute cette vie des camps de réfugiés tel qu’il était à Calais.

Pas à pas patiemment, avec comme arme une aiguille, un fil d’or et des parkas, elle aura fait surgir , venir doucement à nous , les camps, les feux, la boue, les gens éperdus d’attente,épuisés d’avoir fait parfois la route à pieds, elle aura ressuscité un shelter entortillé dans une bâche par un fil de fortune.

Elle a magnifié ce modeste abri, ces modestes abris. En les rehaussant de fil doré, elle leur a donné leurs lettres de noblesse. Ces hommes ces femmes dont personne ne veut, et qui ont eu le courage immense de fuir, par tous les moyens, une oppression insupportable et la misère.

Elle les a décoré chacun de la médaille dorée, du courage, de l’endurance et de la volonté.


Des artistes comme Kubra sont précieux dans le monde d’aujourd’hui.En donnant à voir en toute simplicité des choses fortes et signifiantes, dont aucun commentateur ne vient entraver la compréhension, une adresse directe au public.

le fait qu’elle soit femme et Afghane de surcroît, met en avant son courage et son engagement. Depuis le retour des Talibans , la situation des Afghans et bien sûr des femmes s’est corsée.

On est en droit de s’enrager de cette situation qui a permit à un gouvernement occidental ( les USA) de négocier  et s’incliner devant une formation politique voulant réduire plus bas que terre, sans éducation ni soin, ni même une once de liberté, la moitié de l’humanité: Les femmes., alors qu’il eu fallu la combattre.

Et l’on voit actuellement le peu de cas qui est fait aux états unis, du sort des femmes puisque l’avortement y est à nouveau interdit dans un grand bond en arrière . Les patriarcats de toutes origines s’embrassent sur la bouche au détriment des femmes ces éternelles mineures.

la situation des femmes dans le monde est critique et l’histoire montre qu’elle est sans cesse a reconquérir, les patriarcats plus virulents que jamais se manifestent dans toutes les sphères de la vie quotidienne, pourvu qu’on cherche un peu , aussi bien qu’en politique internationale.

Et nous aurions bien besoin d’une flopée de femmes en or pour faire entendre nos voix sur le plan planétaire, avec les armes dont nous sommes dotées, nous les femmes, par la force des choses, et de nos histoires personnelles: la créativité et l’intelligence.