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Le cuisinier

Tous les matins au petit déjeuner, ma mère essaye de me glisser en sous main des histoires de sa vie qu’elle aimerait que je raconte.
L’autre jour, elle m’a subitement parlé d’un cuisinier qui avait travaillé avec elle lorsque nous habitions Cahors, j’avais 14 ans et je m’en rappelle très bien, à l’époque j’avais un perroquet nommé Jojo que nous avions rescapé de la société Tropicanim, c’était un perroquet du Congo, vert, jaune et rouge , il était malade, je le soignais avec des gants de ski, nous avons fini par nous aimer tout à fait puisque je l’embrassais sur le bec, et qu’il enroulait sa tête contre mon cou.
Oui , donc ce cuisinier était un jeune homme brun, avec un sourire large , de grandes dents et des mains fines. Il n’est pas resté très longtemps , un jour il est parti, il s’appelait Frédéric. Un an plus tard, ma mère reçu le coup de fil d’un monsieur qui voulait avoir des renseignements sur une cuisinière qui avait travaillé chez nous et qui s’appelait Frédérique, c’était la même personne. Le cuisinier avait donc changé de sexe. Ma mère sans sourciller repondit que : oui cette personne avait travaillé chez elle, et qu’elle était très compétente.
“C’est comme ça que je m’en suis tirée” ajouta t’elle en déchirant l’étui en cellophane de sa madeleine.
À Cahors l’appartement de fonction de mes parents était énorme, les fenêtres donnaient sur les gargouilles de la cathédrale, on aurait pu faire du patin à roulette dans les couloirs, j’apprenais la lettre à Élise sur un piano à queue, et j’ai passé plusieurs nuit dans la chambre des invités tout au bout du couloir dans le lit qu’il avait fallu faire agrandir pour que le général de Gaulle, en son temps, puisse y dormir..
Demain il est possible que je parte, c’est plus ou moins certain, ma mère à moins besoin de moi, et la jeune Rwandaise, aux macarons et robes à fleurs, va prendre le relais. Je vais laisser ma mère entre son balcon et la chatte, ces moment passés avec elle sont peut être les derniers, la vérité c’est qu’écrire ces petits textes m’aura aidé à trouver en moi la tendresse et la patience pour la côtoyer autant de jours d’affilée. Je lève le nez, à la télé, c’est l’animateur de la grande librairie, sur l’écran s’affiche une phrase,“ Arriver à la vieillesse pour m’apercevoir que je n’ai pas vécu.” Peut être est ce de Chang.