· 

Pasolini


les endroits où ma mère se sentait vibrer pleins pots , étaient le festival de Cannes d’où elle tirait des chroniques, et la cinémathèque. J’ai ainsi vu les retropectives. de Pasolini en entier a neuf ans . Aux moments délicats, elle me mettait la main sur les yeux, ne se doutant pas que le son puisse être un bon recours pour l’imaginaire. A 13ans , elle m’emmena aussi voir les spectacles de Bejart avec Jorge Donn en vedette et me traîna aux réunions du mlf où je me senti comme dans un film de Fellini. C’est avec elle aussi que j’ai vu la première exposition de Matisse au grand Palais, où j’ai eu un des premiers chocs esthétiques de ma vie , j’étais avec elle encore a une représentation de 1793 à la cartoucherie à l’issue de laquelle je décidais de faire du théâtre. Bon c’était ma mère, elle me faisait profiter des choses qu’elle aimait et qui etaient jusqu’à présent mon quotidien? Ma nourriture.
Elle me disait des choses comme: “Tu sais , ma fille la vraie différence entre les gens, ça n’est pas l’argent, c’est la culture.”
Pas qu’elle n’ait été très riche ou très pauvre, mais elle avait vécu à une époque ou vraiment tout le monde était pauvre: c’était l’avant guerre.
Peut être que je ne devrais pas lui dire ce que je pense de la situation que nous vivons sur le plan planétaire. Elle sens que je suis inquiète du coup elle aussi et elle me bombarde de questions. Souvent les mêmes mais petit à petit à petit son opinion sur les événement se construit. Hier soir j’ai été lui chercher dans la boîte aux lettres une pile de Nouvel obs et de Télérama qui y stagnaient depuis trois semaines. Et la les choses écrites font plus sens que le magma télévisuel devant lequel elle semble rester sans pensée. Du coup, elle n’en revient pas, elle a compris se qui se passait dans les Epais, la façon dont les gens mourraient et dont on les enterrait et elle n’en crois pas ses yeux. Elle est dans un étonnement, une stupeur, une incrédulité renouvelée et perpétuelle
Lorsque je lui dit que j’écris sur elle, tous les jours, ce qui au fond lui plait bien,elle me dit, il faut que tu parles encore de ma mère. Ma grand mère adoptive avait trois frères et deux sœurs, on les voit sur les photos sépia de tout début de siècle, qui ont toujours trônes sur la cheminée à la maison, des enfants joufflus aux grands cols de dentelles, des garçons avec des cheveux longs blonds jusqu’aux épaules. 
Puis on les trouve un peu plus tard toujours sur les photos. Mais ce ne sont pas tout à fait les mêmes. Ma grand mère a pris 20 cm et on lui a rasé le crâne, elle a l’air triste, à côté d’elle, deux petites filles avec deux gros noeuds dans les cheveux. Ses deux frères sont morts du croup. Restent deux petites sœurs..