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Le corps de ma mère

J'ai toujours vu ma mère nue, c'est a dire qu'elle ne cachait pas son corps, je pouvais le contempler lorsqu'elle se maquillait devant moi dans la salle de bain, avant de sortir le soir avec mon père. En culotte et soutien gorge devant la glace, elle s'enduisait le visage d'une pâte foncée, en omettant le cou, qui du coup restait blanc, et se peignait les lèvres avec un petit pinceau qui transformait le bout de son rouge à lèvres en deux petites collines asymétriques, orange,brun ou rouge foncé.
Je regardais seule, bien sur, a être autorisée à rentrer, j’apprenais, buvant les gestes du regard, le coup de main de la houppe et du rimmel.
Ma mère était calypige avec un ventre très plat barré d'une grande cicatrice d'appendicite qui avait faillit mal tourner. La peau très blanche, une vraie peau d'anglaise a coups de soleil. Dolto disait qu'il ne fallait pas que les grandes personnes montrent leurs corps nus aux enfants, que ca pouvait les impressionner. Pour moi donc, c’était râpé.
J'ai toujours vu ma mère en recherche de volupté avec son corps, la façon dont elle se baignait nue des qu'elle pouvait, ce qui lui attira quelques ennuis puisqu'un jour de 1968 un hélicoptère est carrément descendu sur la plage pour lui dresser une contravention. Je me souviendrai longtemps de la violence et de la gifle du sable brassé par l’hélico descendu à 10m de moi, et de ce sentiment d’être un microbe tétanisé sur le sol par cette violence toute masculine, alors que nous n’étions que recherche de douceur, de chaleur, de plaisir.
Maintenant à 93 ans ma mère se chauffe raisonnablement tout habillée sur le balcon, choisit de manière très sélective les draps de sa couette, allant jusqu’à se débarrasser en pleine nuit d’une enveloppe de coton trop lisse et trop glacée.
La princesse au petit pois quoi!