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La rwandaise

Dans cet appartement,  je ne suis pas qu’avec ma mère. C’est certainement mieux. Il y a aussi une Rwandaise. C’est une grande fille au front bombé, au visage assez doux avec une forme de ténacité silencieuse dans le regard. Elle est en master de relations internationales, et porte des petites robes imprimées et des coiffures à macarons , d’une humeur égale toute la journée. Cette fausse tranquillité cache une sensibilité exacerbée.Aujourd’hui nous avons un peu discuté dans la cuisine où nous nous croisons assez peu puisqu'elle est tout le temps dans sa chambre, d’où s’échappent parfois des rires et des éclats de voix. Sylvie n'a pas connu le génocide pourtant elle en est une enfant.

Sa mère, enceinte, enfermée pour sa sécurité dans une chambrette par le voisin qui, lui, partait tous les matin la hache sur l'épaule, tuer comme on va au boulot. Elle attendait la portant la vie, sans nouvelles de son mari, attendant peut être la mort.

Sylvie me dit qu’elle n’est pas tout a fait d’accord pour que je parle d’elle sur facebook. Je lui réponds que j’écris ce qui est, et qu’elle est là. Je lui explique ma démarche. C’est un débat intéressant, je lui dit qu’il faut qu’elle s’interroge elle, pour savoir pourquoi elle ne veut pas, que moi je peux le prendre finalement comme un désir de contrôle sur moi. Elle sourit, elle n’est pas très contente, tant pis. deux jours plus tard je suis assaillie par des centaines de demandes d'amitiés d'Africains, elle a du me rendre la pareille;

On est le lendemain du jour où Manu à parlé, un mois de plus en résidence surveillée. Tout le monde en a assez. Je pars faire un tour au Ranelagh, les gens se croisent en détournant le regard, même ceux qui se reposent sur les bancs ont l’air tendu, seul un groupe de flic , deux hommes et deux femmes , blaguent de façon ostentatoire et décontractée. Je les croise avec à la main une bonne partie des fleurs des haies que j’ai dépouillées, en serrant les fesses car évidemment je n’ai pas d’autorisation réglementaire.