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Notre dame des landes

Vigneux de Bretagne, il est 20 heures, mon covoitureur viens de me déposer a la sortie de la voie express ; j’enfourche mon vélo, et pars à l’aventure, je ne sais pas encore ou je vais passer la nuit et j’ai dix euros en poche.

_Va à Bellevue, m’a dit  Serguei, un féroce zadiste .

_A la Zad personne ne dort dehors.

A L’entrée de Vigneux, un retraité à la longue queue de cheval blanche m’indique la route à prendre, cependant je m’arrête au café derrière l’église, la patronne très peu coopérative me répond :

« la Zad connais pas », on entendrait une mouche voler, les conversations ont tari. mais aussitôt sortie de ce lieu inhospitalier, sur le trottoir un homme me donne tous les détails pour que j’arrive à bon port .

En deux coups de pédales , j’y suis, après avoir passé les portails peinturlurés et longé des cabanes construites d’un bric à brac poétique dont les guirlandes de poupées et de bouteilles vides brillent dans le couchant, je passe la Wardine ses affiches hostiles aux journaleux et arrive après deux tours de roues dans la boue, à Bellevue, ou dans le pré un taureau noir tente de couvrir une vache, comme pour me souhaiter la bienvenue .

A Bellevue, je pourrais manger, dormir, me laver à l’eau chaude, laver mes affaire dans une machine à laver, et utiliser les toilettes sèches, me servir dans le dressing room d’habits, de chaussettes et de savonnettes ; tout ca a prix libre, c’est a dire si je suis fauchée gratuitement, si je veux je peux donner un coup de main pour nettoyer, ranger, entretenir, je peux, mais personne ne m’oblige à rien.

Tout ca m’est expliqué par Marion une jolie brune toute fine enceinte et accompagnée de son petit garçon de deux ans et demi.

Je vais donc passer deux jours  à sillonner la zad, ce sont les constructions qui m’intéressent, cette esthétique particulière crée par ceux qui n’ont rien, commune aux jungles, et aux bidonvilles.

C’est le jour de l’expiration de l’ultimatum donné par l’état, les zadistes s’organisent, se réunissent , en plus des activités régulières, liées a la fabrication du pain, des produits dérivés du lait et de l’entretien des animaux, plusieurs chantiers démarrent, construction de sleeping, chantier jardin plus cabane, fabrication de mobilier, échanges ide pratiques, forestation fruitière, sérigraphie, cantine vegan, médiéval free fight, formation clown. La Zad lieu d’accueil  est aussi un lieu de formation, dans toutes sortes de domaines; il s’y passe tellement de choses, difficile de tout appréhender.

 Un jeune rencontré à Nantes dans le château des facultés m’avait raconté comment à la zad il en apprenait dix fois plus qu’en fac de biologie 

Près de la Wardine un groupe de basques espagnols ont commencé un chantier de maison en paille, c’est une énorme grange superbe, aux murs bien droits ;  

A la bibliothèque de la Rolandière avec humour en relation à la loi qui voudrait que sur la Zad ne restent que les activités agricoles,  on vends des Koukoupelivres , des Choux fleurs du mal et  autres Navetsroes et Finkelcarottes ;

Je n’aurai rencontré en tout et pour tout qu’une pauvre voiture de police avec quatre flics n’en menant pas large, patrouillant en gilets pare balles sur la route barrée qui traverse la zad du nord au sud en son milieu, je leur ai demandé mon chemin, l’un d’eux m’a dit, « on est pas d’ici » et a sorti une carte phototocopiée sur un morceau de papier ;

 

« LES TEMPS CHANGENT ET NOUS VOULONT QUE LA SOCIÉTÉ ACTE LE CHANGEMENT »

 

C’est ce qui est marqué sur la banderole qui marque l’entrée de la Massacrerie, point central de la zad symbolisé par un immense portique et une grande tente 

Rentrée chez moi au bout de deux jours passé a pédaler dans la boue sous la pluie, sans avoir rencontré grand monde tant les zadistes sont en ce moment centrés sur leur problématiques d’expulsion ; à part une jeune personne au sexe indéfini,  insomniaque qui dans la nuit se rasa le crâne, après m’avoir longuement parlé de l’iboga, plante que l’on ne trouve qu’au Congo et qui soigne les troubles psychotiques, un gai luron Basque espagnol ; deux marseillais en goguette, et un cycliste barbichu allant de part le monde; donc après être rentrée chez moi j’entend Nicolas Klautz parler de son film sur la jungle  de Calais; et il dit la même chose ; « LES TEMPS CHANGENT »

Il est évident que la zad de Notre dame des landes comme la jungle de Calais comme dans un autre registre Auroville à Pondicherry sont des figures du changement ; un changement profond qui bouleverse notamment les valeurs classiques de propriétés, d’argent,  mettant en avant  celle d’accueil, d’ouverture et de partage

 

Un changement que notre société française, a visiblement du mal a appréhender, puisqu’à chaque fois il y a une volonté de tout faire disparaître, d’expulser, de faire place nette. A leur manière les zadistes, se font l’expression de valeurs éminemment positives, ils font à la place de l’état un travail d’accueil de toute une jeunesse en rupture de banc ou pas, qui ne sait comment s’adapter au carcan qui lui est proposé et qui invente d’autres formes pacifiques de vie en collectivité ; finalement ce que le gouvernement indien a accepté en permettant  l’élaboration d’Auroville sur son sol, la France soixante ans plus tard n’est pas capable d’en tirer une conclusion positive et d’aider a ce que ces structures perdurent en leur allouant les subventions que doit l’état à tout établissement d’intérêt général,

Le 9 avril prochain il paraît que 2500 policiers déferleront sur la Zad pour procéder aux expulsions, ils trouveront  en face ceux qui ont fait serment de défendre leur territoire, en plantant un manche de pioche dans le talus pour former une haie hérissée de piquants ; les uns, bras armé d’un pouvoir aveugle et rétrograde qui n’a pas su saisir les avantages de l’air du temps et les autres, qui aspirent à un monde nouveau et pensaient avoir trouvé la un territoire du possible, jeunes, moins jeunes, enfants et bêtes, et leurs armes dérisoires, leurs cabanes en hautes des arbres ;

 

Que Notre Dame de la zad les protègent tous!