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« PERDRE LE NORD », UN HOMMAGE REMARQUABLE A LA PUISSANCE DE TOUS LES EXILES

Marie Payen – « Perdre le nord » – Théâtre du Rond-Point, Paris, jusqu’au 29/12/2019 – Le 16/01/2020 Le Carré, Scène nationale, Château Gonthier.

Elle arrive sur la scène emmaillotée dans du sac plastique comme dans une robe de bal. La matière translucide et légère flotte derrière comme une traîne. C’est une femme plus très jeune, mince et musclée, au teint presque campagnard, aux grandes mains qu’elle tient écartées parfois au dessus de sa tête. Ses yeux cernés de noir à la façon d’un maquillage tribal, lui font une face de mariée qui aurait trop pleuré. Elle est là devant nous, elle explique ce qu’elle va faire. Que les mots sont dehors qu’ils ne lui appartiennent pas, qu’elle joue avec. Qu’elle les attrape et qu’elle nous les donne.

Au sol, un rond lumineux éclaire son visage et les reflets du plastique, et sa peau blanche. Elle commence d’une voix très lente, et au milieu de cette matière aussi fine que l’enveloppe d’un placenta, aussi légère que le vent, devient tout en même temps, actrice, enfant à naître, pythie, poétesse, mère, migrante.

Ce que Marie Payen arrive à faire avec son corps, sa voix, la lumière et la matière qui l’entoure et deux ventilateurs est d’une simplicité, d’une élégance et d’une justesse remarquables. Tragédienne inspirée, elle relie les épopées antiques au monde contemporain dans une fresque théâtrale et plastique à la fois.

De la trajectoire habitée qu’elle crée sur place et qu’elle nous tend à bout de bras, émane toute la grandeur, la force, le courage, le désespoir de ceux qui partent un jour de chez eux pour chercher des jours meilleurs ailleurs.
Un hommage à la puissance de tous les exilés de la terre par une actrice extraordinaire. Marie Payen est une belle personne.

Claire Denieul

Photo Arnaud Bertereau / agence mona